À la rencontre d'un duo de cloches à sauvegarder.
La Commune
Située au sud-ouest du département de l'Indre-et-Loire en région Centre-Val-de-Loire sur le canton de Bourgueil et proche du fleuve de la Loire, Benais est un charmant village fleuri entouré des vignes du Bourgueillois, dont les habitants se nomment les Benaisiens et les Benaisiennes et sont environs 950 à peupler la commune.
Dans ce village, le patrimoine est très présent, en effet le bourg est regroupé autour de son église du XIIe siècle, classée au titre des Monuments-Historiques et de son imposant château dont la première mention est faite au XIIIe siècle où le Roi François 1ᵉʳ y est reçu par Gilles de Laval en 1532. Mais d'autres bâtiments architecturaux font aussi la richesse patrimoniale de la commune tourangelle comme le prieuré Saint-Gilles dont la tourelle construite en briques et pierres de tuffeaux alternées ce qui lui donne un aspect de damier, le manoir de l'argenterie en tuffeaux du XVIe siècle, une chapelle reposoir du XVIIIe, un portail en briques du XIXe et la loge des vignes.
L'église Saint-Germain
Le patrimoine religieux de Benais, autrefois était constitué de trois bâtiments religieux, mais c'était bien-sur l'église du bourg dédiée à Saint-Germain qui été le plus important de tous, devant l'édifice ont y construit un prieuré aujourd'hui détruit et un second prieuré dédié à Saint-Gilles dont il reste aujourd'hui une tourelle. Maintenant parlons de l'église en plein centre du bourg ancien dont le chœur construit au XIIe siècle dans un style roman angevin, d'autres parties de l'édifice date du XIIe, comme le clocher roman à deux étages en tuffeaux avec sa flèche en pierres surmontés d'un coq, ainsi que la chapelle sud du chœur.
En l'an 1916 l'église a subi un grand cataclysme, cette année la grande nef du côté ouest s'est effondrée pour des raisons encore inconnues, cette partie était la plus longue de l'église, elle allait jusqu'à la départementale traversant la place du village. Quelques pierres de l'ancienne nef ont été réutilisées pour construire le foyer rural à quelques mètres de l'église, elle fut remplacée par une nouvelle nef beaucoup plus modeste en 1921-1923 à façade néo-romane à quatre contreforts.
Photo de carte postale fourni par la mairie de Benais.
Le clocher construit au XIIe siècle possède la particularité d'avoir deux tourelles, nous les remarquons sur les photos du côté de la façade, la tourelle cylindrique renferme un escalier en colimaçon menant à la base de beffroi, accolée à celle-ci une autre tourelle rectangulaire, à son sommet est installée une horloge mécanique et électrique et en dessous le vide qui été occupé par les poids de l'horloge.
Les deux tourelles sont surmontées par deux étages de baies romanes en plein cintre. Tout le long de la tour, sur chaque flan, se trouve deux contreforts. La base carrée est surmontée d'une flèche octogonale, construites perpendiculairement par rapport à la base, quatre lucarnes en pierres sont percées d'une fenêtre romane en plein cintre, au sommet de la flèche, dominant le tout, une croix en fer forgé ainsi qu'un coq.
À l'intérieur de l'église, nous faisons face à un impressionnant retable, une représentation de la cène au centre et encadré des évêques Germain et René. Ce retable peut paraitre disproportionné par rapport à la taille modeste de l'édifice, mais il faut se souvenir que l'ancienne nef qui était beaucoup plus grande, donnée à l'église un aspect plus important.
Le chœur est composé d'une voûte "Angevine" ou "Plantagenet", d'un chevet plat, la chapelle nord construite au XVe siècle était l'ancienne chapelle seigneuriale, ses chapiteaux représentent "Samson et Dalila".
La nef ne possède pas de voute, la charpente du toit brut remplace la voute et sur le côté sud, nous retrouvons un vitrail du maitre verrier LOBIN de 1870, reste de l'ancienne nef.
Avant de commencer notre ascension, il faut pénétrer dans la sacristie située à la base du clocher, dans cette dernière se trouve la porte d'accès, ouvrant dans un escalier en colimaçon qui nous emmène directement à la base du beffroi, avant d'y pénétrer, nous faisons halte dans une petite pièce ou est installé l'ancien système de l'horloge, nous poursuivons et nous faisons face avec étonnement à une surprise de taille, une cloche en acier déposée, mais j'y reviendrai juste plus tard, pourtant les heures résonnent toujours dans la commune tourangelle, donc la présence d'une autre cloche est évidente, celle-ci est installée au sommet du beffroi, donc il faut encore gravir deux échelles bien sécurisées, la première nous fait accéder à une petite passerelle puis la deuxième nous emmène au plancher de la cloche.
L'ancienne Horloge
Avant de nous intéresser aux cloches, nous allons parler de l'ancien système mécanique qui sonnait les heures. En faisant des recherches dans les archives départementales de l'Indre-et-Loire et plus précisément dans "l'inventaire des biens dépendant de la fabrique de l'église paroissiale de Benais de 1905" nous apprenons que cette horloge a été réalisée par un certain Christophe, fabricant d'horloge pendant la deuxième partie du XIXe siècle, cependant nous ne connaissons pas la date précise de la fabrication du mécanisme.
L'entretien de cet automate a été sûrement repris par l'entreprise Lussault de Tiffauges en Vendée, vu que sur le châssis est posée une plaque de cette entreprise ainsi qu'un cadran à leur nom. Un système électrique a été ajouté à l'horloge avec moteur rotatif et chaines. Aujourd'hui cette horloge n'est plus en état de fonctionnement, elle est remplacée par un système électronique avec un électro-tinteur relié à une armoire électrique, elle-même reliée à un tableau de commande installé dans la sacristie par la société Gougeon.
Les Cloches
Le patrimoine campanaire de l'église Saint-Germain est composé de deux cloches, je dois vous avouer que ce fut une surprise pour moi de trouver dans cette église que je connais depuis longtemps, une cloche en acier, ce qui n'est pas très courant. Cette cloche du nom de Marie-Germaine provient du département de la Loire (42), pour être plus précis, elle a été fondue par l'entreprise "Jacob. Holtzer et Cie" à Unieux, cette aciérie était spécialisée dans la fonte de cloches en acier et en exportées dans toute la France, il faut dire que l'acier était moins cher que le bronze, c'est la raison pour laquelle cette entreprise a été choisie pour réaliser cette cloche. Cette cloche de 1867 est fondue sous le nom de Holtzer, cependant, cette personne est décédée en 1862, sa famille continuera la production de cloches en les fondants toujours en son nom, la fonderie remportera la médaille d'or à l'exposition universelle de Paris de cette même année.
Jacob Holtzer tient son savoir-faire d'un industriel allemand du nom de Jacob Mayer, qui révolutionnera le monde de l'industrie de l'acier ainsi que le domaine campanaire, dans ses ateliers basés à Bochum (Allemagne) il va réaliser trois cloches en acier qui vont être les toutes premières fondues dans le monde, il exposera ces cloches à l'exposition universelle de Paris de 1855, son rival du nom d'Alfred Krupp l'insultera de charlatan et en disant que c'est des fontes de mauvaises qualités, Mayer outré lui prouvera que c'est cloches sont bien en acier et de qualités et il recevra la Médaille d'Honneur de l'empereur Napoléon III. Sa fonderie portait les noms de "Mayer & Kuhne" puis "Bochumer-Verein", cette histoire, je l'ai découverte grâce à un de mes chers collègues passionnés également de campanologie.
Revenons à la cloche, elle était placée au sommet du beffroi à côté de sa grande sœur de bronze, il y a encore la trace des paliers, aujourd'hui elle ne fait plus entendre sa voix au Benaisiennes et Benaisiens, car elle fut déposée à la base du beffroi, car selon la municipalité elle sonnait faux, et n'était plus agréable à écouter. Maintenant, en attente d'être descendue dans l'église, elle a même gardé son joug ainsi que son battant.
Nommée "Marie-Germaine", ses décors, bien que simples, présentent sur le haut de la robe une frise décorative à motifs végétaux, une Vierge et un crucifix.
Désormais, intéressant nous à la cloche en bronze, d'après les archives départementale de l'Indre-et-Loire cette cloche est une refonte d'une autre plus ancienne, cette dernière est plutôt intéressante, car elle fut faite en 1839 par le grand frère d'Ernest Bollée, c'est-à-dire par Jean-Baptiste-Amédée, à cette époque il n'avait pas encore créé sa fonderie à Saint-Jean-de-Braye dans le Loiret, au même titre que son frère ne s'était pas encore installé au Mans, du coup elle a été fondue en Haute-Marne plus précisément à Clefmont, elle se nomme "Marie-Elisabeth" et chante la note Fa3.
Ses décors se composent sur le côté nord d'une Vierge à l'Enfant, et sur le côté sud, d'un crucifix sur le bas de la robe, sur le long, une frise florale avec des roses, outre ses décors, cette cloche a conservée son battant d'origine.
Pour l'instant la cloche ne peut plus sonner à la volée à cause de son état, plus exactement de son noyau à moitié éclaté, puis son cerveau est percé pour y fixer quatre ferrures, la volée de l'angélus a été déprogrammée par Gougeon, mais la sonnerie horaire toujours d'actualité ainsi que les 3x3 coup à 12h01 et 19h01.
En espérant que cette cloche puisse bénéficier de la restauration qu'elle mérite et de pouvoir résonner à nouveau, j'espère y retourner pour la filmer.
Le Reportage
La Cloche en Bronze
Nom de Baptême : Marie-Elisabeth, Fondue par Bollée Aîné à Clefmont en Haute-Marne, en 1839, Note et Octave: Fa3, Poids: ~637 kg, Diamètre: 1048 mm
Inscriptions Complète :
-L'AN 1839 J'AI ETE BENITE PAR Mr BESNARD VICAIRE GENERAL ET NOMMEE MARIE ELISABETH PAR Mr GUSTAVE LEJOUTEUX ET Melle MARIE ELISABETH LEJOUTEUX Mr BAUGE BOISNIER MAIRE ET Mr BAZIRE CURE BOLLEE AINE FONDEUR A CLEFMONT Hte MARNE
Décors:
_Anses de la Couronne : Simples.
_Haut de la Robe : Frise décorative avec repésentations florale puis l'inscriptions et décors de rideaux.
_Milieu de Robe : Côté Sud : Un Crucifix, Côté Nord : Vierge à l'Enfant.
_Bas de la Robe : Trois Lignes, puis une Frise florale avec des roses et Trois autres Lignes.
_Panse : Deux Lignes et Pince.
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La Cloche en Acier
Nom de Baptême : Marie-Germaine, Fondue par "Jacob. Holtzer et Cie", en 1867, Note et Octave: Peut-être Sol3, Poids: ~??? kg, Diamètre: 976 mm
Inscriptions Complète :
-JACOB HOLTZER ET CIE 1867
-MARIE - GERMAINE
-PARRAIN LOUIS DE MESSINE
-MARRAINE LOUISE DE MESSINE
-CURE URBAIN BOISNARD
Décors:
_Anses de la Couronne : Simples.
_Haut de la Robe : 1 Ligne puis Frise décorative puis 3 Lignes puis l'inscriptions du Fondeur puis 2 Lignes.
_Milieu de Robe : Côté Nord : Un Crucifix, Côté Sud : Une Vierge.
_Bas de la Robe : 3 Lignes.
_Panse : 3 Lignes.
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Les Poids des Cloches sont calculés via le diamètre et l'épaisseur avec une marge d'erreur de 3%.
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